"Quand on demande aux parents qui participent aux ateliers de formation quelles sont leurs attentes et leurs besoins, bien souvent les parents répondent : « Des clés, des outils pour résoudre les conflits avec nos enfants ! »…
Quatre parents témoignent des « outils-clés » qu’ils ont mis en pratique suite à des ateliers Gordon et qui ont porté leurs fruits…
Accueillir les émotions
"L'accueil des émotions de l'enfant est pour moi très efficace. Quand mon fils de 4 ans rentre de l'école il a les émotions à fleur de peau, n'importe quel prétexte comme un fruit découpé dans le mauvais sens le fait se mettre en colère. J'accueille simplement ses émotions en le prenant dans mes bras et tout va mieux ensuite ! Le fruit n'est qu'un prétexte à un besoin de réconfort suite à une journée remplie d'émotions ..." (Céline)
Nombreux sont les parents qui comme Céline ont constaté l'effet immédiat et parfois même surprenant du simple fait d'accueillir ce que ressent l'enfant, sans jugement, sans reproche, sans conseil ni solution ! Accueillir physiquement une émotion en prenant l'enfant dans ses bras et en l'aidant à mettre des mots sur ce qu'il ressent (tu es/ tu as l'air en colère...) permet de faire retomber la pression causée par une émotion vive ou trop longtemps contenue et qui ne demande qu'à s'exprimer. Une fois la tension évacuée et l'équilibre retrouvé, l'enfant dont l'émotion a été reconnue et accueillie avec bienveillance s'en retournera, généralement, joyeusement à ses occupations. Les parents qui mettent en pratique l'écoute empathique obtiennent souvent des résultats très encourageants dès les premières fois ! Les tensions s'apaisent, la communication est plus fluide et les conflits plus rares. Et comme en témoigne Séverine, l'écoute ne marche pas qu'avec les enfants : "Un effet que je ressens surtout à long terme, la communication passe beaucoup mieux avec mon conjoint. Il est beaucoup plus rare qu'il se braque. Quand il est sur les nerfs, pour une raison ou pour une autre, je dirais qu'il accepte de vider son sac avec moi (et non sur les enfants). Il accepte de se laisser "écouter". Du coup j'arrive plus facilement à lui exprimer mes besoins, mes envies, ce qui m'agace, etc. "
A l'inverse, une personne qui n'a pas d'espace pour exprimer sa colère ou son mal être peut se replier sur elle-même ou au contraire provoquer malgré elle une situation de conflit avec quelqu’un de son entourage. Au sein d'une famille, ces tensions non détectées et non prises en compte sont souvent à l'origine des disputes entre frères et sœurs. Pour celui qui n'a pas d'autres moyens d'expression, la "bagarre" reste en effet l'un des moyens les plus sûrs pour attirer l'attention du parent et évacuer au passage les tensions accumulées (par les cris, les larmes, les coups).
Donner dix « vraies » minutes
Véronique, maman de deux garçons a suivi plusieurs stages sur la résolution de conflit. Elle nous fait part d’une de ses récentes expériences :
Joseph, 5 ans, s’était inventé une histoire avec des cubes, des animaux… Il était en pleine construction quand son frère Noé, 3 ans, arrive et casse tout. « J’ai vraiment senti que Joseph était au bord de l'explosion, que c'était inadmissible pour lui. Il s'est mis à hurler sur son frère, il l'a poussé et donc Noé s'est mis à pleurer. Moi j'étais occupée bien sûr... alors j’ai mis de côté ce que je faisais et je suis allée m’asseoir près des enfants. J'ai dit à Joseph : « qu'est ce qui se passe ? » Il a hurlé : « il a tout cassé ma construction ! ». J’ai répondu « là je sens que t'es vraiment furieux » et Joseph a dit « Oui il est vraiment énervant, il est méchant ! ». J’ai alors demandé à Noé s'il voyait le problème. Il était très content de lui : "oui j'ai tout cassé » (en riant). « Ça commençait à m’agacer ! » Je lui ai dit : « Joseph était occupé et tu es venu tout casser, c'est vraiment désagréable pour lui ». ça le faisait rire. Je lui ai demandé de s'excuser. Il s’est excusé tout en s’amusant à jeter des cubes en même temps. Ça n’a pas satisfait son frère. J'ai ensuite demandé à Joseph de quoi il avait besoin. Il a dit qu'il voulait jouer seul et j'ai demandé à Noé ce qu'il voulait faire : il a dit « je veux jouer aux cubes ».
Noé avait besoin de jouer avec quelqu’un, d’avoir de l‘attention et son frère avait besoin de jouer seul, d’être tranquille. Je l’ai donc emmené dans la pièce d’à côté et j’ai joué avec lui. »
Dans cet exemple, Véronique a pris le temps de se poser, de respirer, d’accueillir la colère de son fils et de comprendre la situation en partant des faits. Elle a laissé l’émotion sortir sans la juger et a pris le temps de décoder les besoins que cachaient les comportements de ses enfants. Elle a choisi d’interrompre ce qu’elle faisait et s’est rendue disponible. Dans ces cas là, dit-elle, « il suffit que je donne dix vraies minutes et après c'est bon, c'est reparti!". Se rendre disponible est une des clés de la résolution de conflit sans perdant. Comme en témoigne Véronique, cela ne prend pas nécessairement beaucoup de temps si nous sommes vraiment là, à l’écoute, ouverts à tous les sentiments qui se manifestent (les nôtres comme ceux de nos enfants), prêts à nous adapter à la situation et à réfléchir ensemble à des solutions acceptables pour tous.
Décrire les faits, rien que les faits
"La photo objective d'une situation qui me dérange comme des chaussures en plein milieu du passage par exemple marche aussi très bien, plutôt qu'un très récurrent "range tes chaussures !" qui n'a aucun effet, je décris ce que je vois à la personne concernée qui trouve d'elle-même la solution à mon problème ! Du coup l'enfant n'obéit pas à un ordre, il résout le problème de son interlocuteur, ce qui le rend acteur, autonome, responsable ! Et l'action se poursuit dans la durée, il devient plus attentif à ranger ses affaires " (Céline)
Lors des ateliers, les parents s'entrainent, dans chaque situation conflictuelle, à décrire les faits et les comportements de l'enfant (ce qu'il dit et fait) sans jugement ni interprétation. Ainsi "tu as encore été méchant avec ta sœur" est remplacé par exemple par "Chloé jouait avec son ourson bleu et tu lui as pris des mains". S'en tenir strictement à ce que l'on observe permet d'éviter les jugements et les interprétations parfois blessantes, culpabilisantes et injustes qui peuvent provoquer de vives réactions chez les enfants et même renforcer le comportement que l'on aimerait voir changer. Se concentrer sur les faits à un moment bien précis permet en outre d'éviter les généralités et les exagérations. En effet, si je dis "tu laisses toujours tes chaussures au milieu du passage", je ne suis plus dans la simple observation ici et maintenant et j'ai plus de chances de provoquer une réaction de défense ("c'est même pas vrai, je les avais rangées hier!"), un haussement d'épaule ou une franche indifférence, que de susciter une sincère envie de coopérer. Avez-vous remarqué comme ils sortent spontanément de notre bouche ces petits mots comme rien, tout, toujours, jamais, encore, lorsque nous sommes exaspérés par des comportements récurrents et qu'aucun de nos messages ne semble avoir d'effet ? En réalité s'ils soulignent notre agacement et font généralement réagir la personne à qui ils s'adressent, ils produisent rarement l'effet désiré, quand ils ne produisent pas l’effet inverse !
S'écouter soi-même
"Au niveau des outils, il y a plusieurs choses que j'ai effectivement mises en pratique. D'abord, m'écouter moi-même, ce qui m'a permis de poser certaines choses, et notamment mes propres limites. J'avais tendance à "laisser tomber" si je n'arrivais pas à me faire entendre. Ce n'est plus le cas, et finalement je trouve que ce n'est pas si difficile de se faire entendre quand on est bien centré sur son besoin". (Béatrice).
Comme en témoigne Béatrice, prendre régulièrement un temps pour analyser un conflit en se centrant sur ses propres besoins permet d’y voir plus clair, de prendre confiance et donc de s’affirmer davantage.
Pour certains parents le simple fait de faire le stage est un facteur d'apaisement dans la famille. S'accorder un moment pour soi, une pause pour prendre du recul et partager avec d'autres parents est une aide aussi précieuse que les outils en eux-mêmes.
Je terminerai sur ce témoignage d’un papa : « je venais chercher des outils pour résoudre les conflits et je repars avec une nouvelle philosophie de vie et un autre regard sur ma relation avec ma fille. »
S’il existe des clés qui peuvent sensiblement améliorer nos relations et transformer notre vision de la parentalité, il n’existe pas d’outil miracle ni de recette qui marche à coup sûr. Savoir accueillir les émotions, écouter, poser des limites respectueuses (de soi et de l’autre), résoudre les conflits, etc. sont avant tout des savoir-être et des savoir-faire qui s’apprennent et se développent avec le temps et surtout la pratique !"
Delphine Bardon - NVA 326 | Janvier-Février 2013
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